Lawperationnel - Schaeffer Avocat > Blog > Encyclopédie > Privation anormale de vue sur le paysage dûe à des plantations

Arrêt de la Cour d’Appel d’Aix du 3 mars 2008

La Cour d’Appel d’Aix apporte dans un arrêt du 3 mars 2008 des précisions utiles sur les troubles de voisinage dûs à des plantations, notamment lorsqu’elles constituent un obstacle à la vue.

L’affaire tranchée par la Cour opposait deux voisins installés à Vence, sur le flanc de la colline qui domine Saint-Paul de Vence.

L’un reprochait à son voisin situé plus haut que lui de laisser pousser à moins de 2 mètres de sa propriété une haie de cyprès de plus de 3 mètres de haut, ne respectant pas les règles de l’art 671 du Code Civil en matière de plantations limitrophes.

L’autre en retour lui reprochait d’avoir laissé pousser au milieu de son jardin trois cyprès qui masquent partiellement sa vue sur Saint-Paul sur la base du trouble anormal de voisinage.

Notion d'”usages constants et reconnus” selon l’art 671 du Code Civil

Les règles du code fixant la hauteur des plantations en fonction de leur distance par rapport à la limite de propriété ne s’appliquent pas dans deux cas:

S’il existe un réglement contraire

Si des usages locaux, constants et reconnus diffèrent de ces règles.

C’est cette exception que tentait de faire prévaloir le voisin du haut en produisant une lettre du maire de Vence selon laquelle « il existe cependant des haies vives dites de plein vent qui ont des hauteurs supérieures aux prescriptions du Code civil et qui sont admises par la commune, dès l’ instant où elles n’ occasionnent aucun problème pour la voie publique ou pour le voisinage ».

La Cour d’appel d’Aix en Provence écarte cette exception en relevant

1) qu’il s’agit là d’une tolérance et non d’un usage,

2) qu’il n’ est en outre pas établi que cette tolérance remonte à des temps immémoriaux.
Le voisin du haut est donc condamné , sous peine d’ astreinte, à réduire la hauteur de sa haie mais la cour veille à lui laisser un délai suffisant pour lui permettre de réaliser cette opération à une époque non préjudiciable à ses arbres.

Qualification par le juge du trouble anormal de voisinage pour privation de vue

Pour contraindre le voisin du bas à réduire la hauteur,des cyprès qui masquent la vue depuis la terrasse du haut, la Cour ne peut retenir aucune faute à la charge de l’intéressé.

Il s’est donc agi pour elle d’apprécier si trouble occasionné par ces arbres dépassait les inconvénients normaux du voisinage avant d’appliquer le principe que nul ne doit “causer à autrui un trouble anormal de voisinage”.

Sa décision de qualifier la hauteur de ces plantations de trouble anormal de voisinage s’appuie donc sur le contexte très particulier de cette affaire:

– Le fait que les propriétés se situent dans un secteur exceptionnel où tous les propriétaires ont édifié leurs villas de manière à ce que chacun puissent bénéficier de la vue sur le célèbre village.

– que la valeur de ces propriétés dépend largement de cette vue.

– que ces arbres portent atteinte à la vue dégagée sur le village de Saint-Paul de Vence à laquelle le voisin du haut pouvait compter lors de l’acquisition de sa propriété.
La condamnation ne peut donc avoir pour effet que de faire cesser le trouble.

Il suffit donc de faire réduire la hauteur des arbres à un niveau où il ne peuvent pas géner la vue, c’est à dire à la hauteur autorisée de la haie du haut.

De plus, comme dans la première condamnation, cette condamantion est assortie d’astreinte  et la Cour laisse à l’intéressé un délai suffisant pour lui permettre de réaliser cette opération à une époque non préjudiciable à ses arbres.

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