Expulsion du locataire en bail commercial
L’expulsion d’un locataire commercial est une procédure exceptionnelle mais légale, réservée aux cas où le preneur ne respecte pas ses obligations essentielles.
Elle ne peut intervenir qu’au terme d’un processus encadré par le Code de commerce, impliquant des formalités précises et, en règle générale, une décision de justice. Du commandement de payer à l’intervention éventuelle de la force publique, en passant par les recours du locataire, cette procédure obéit à une logique rigoureuse qui protège à la fois les droits du bailleur et ceux du locataire.
Sommaire :
- I. Les fondements juridiques de la procédure d’expulsion en bail commercial
- II. Les étapes de la procédure d’expulsion
- III. L’exécution de l’expulsion
- IV. Cas particuliers
- V. Conséquences post-expulsion
- VI. Droits du locataire face à l’expulsion
I. Les fondements juridiques de la procédure d’expulsion en bail commercial
A. La clause résolutoire dans le bail commercial
La clause résolutoire est la pierre angulaire de la procédure d’expulsion. Elle prévoit qu’en cas de manquement précis du locataire (loyers impayés, défaut d’assurance, etc.), le contrat pourra être résilié de plein droit après une mise en demeure restée infructueuse. Cette clause doit être expressément prévue dans le bail, et ne peut produire d’effet sans formalité préalable, notamment un commandement de payer ou de faire.
B. Les manquements pouvant justifier l’expulsion
Le manquement le plus fréquent est le non-paiement des loyers ou des charges. D’autres fautes, comme une sous-location illicite, une activité non conforme à la destination des lieux, ou encore des troubles de voisinage répétés, peuvent également justifier une demande d’expulsion. En l’absence de clause résolutoire, le bailleur devra s’appuyer sur une résiliation judiciaire, en démontrant la gravité du manquement.
II. Les étapes de la procédure d’expulsion
A. Le commandement de payer ou de faire
Ce commandement est la première étape indispensable lorsqu’une clause résolutoire existe. Il doit être délivré par acte d’huissier et mentionner précisément la faute reprochée, le délai pour régulariser (1 mois) et les conséquences en cas d’inaction. Ce document offre au locataire une dernière chance de se mettre en règle.
B. La saisine du juge
Si le locataire ne réagit pas dans le délai imparti, le bailleur doit saisir le tribunal judiciaire pour constater l’acquisition de la clause résolutoire ou obtenir la résiliation judiciaire du bail. C’est une étape obligatoire : l’expulsion ne peut jamais être décidée unilatéralement par le bailleur.
C. Le jugement d’expulsion
Le juge examine les faits, la régularité de la procédure et les arguments de défense du locataire. Il peut :
- constater la résiliation du bail,
- accorder des délais de paiement ou de libération des lieux, • rejeter la demande si la faute n’est pas jugée suffisamment grave.
III. L’exécution de l’expulsion
A. Commandement de quitter les lieux
Une fois le jugement obtenu, le bailleur fait délivrer au locataire un commandement de quitter les lieux, lui laissant un nouveau délai de deux mois. Ce délai peut être prolongé si le juge l’a prévu dans sa décision.
B. Intervention de la force publique
Si le locataire ne quitte pas les lieux à l’issue du délai, l’huissier peut demander l’aide de la préfecture pour procéder à l’expulsion forcée. L’autorisation peut prendre du temps et dépend de l’appréciation de l’administration. En attendant, le locataire reste dans les lieux, souvent redevable d’une indemnité d’occupation.
IV. Cas particuliers
A. Trêve hivernale et expulsions commerciales
Contrairement aux baux d’habitation, la trêve hivernale ne s’applique pas aux baux commerciaux. Le bailleur peut donc obtenir et exécuter une décision d’expulsion même entre le 1er novembre et le 31 mars.
B. Abandon des lieux par le locataire
Lorsqu’un local semble abandonné (absence prolongée, courrier non relevé, locaux vides), le bailleur ne peut pas agir seul. Il doit engager une procédure spécifique pour faire constater l’abandon par huissier, puis demander au juge l’autorisation de reprendre possession des lieux.
V. Conséquences post-expulsion
A. Sort des biens laissés dans les lieux
Si le locataire laisse du mobilier ou du matériel, l’huissier doit en faire l’inventaire. Ces biens peuvent être placés en garde-meuble ou faire l’objet d’une vente judiciaire pour couvrir les dettes locatives. Le bailleur ne peut ni les conserver ni les jeter sans respecter la procédure.
B. Indemnités d’occupation
Après résiliation du bail, toute présence dans les lieux est sans droit ni titre. Le locataire doit alors payer une indemnité d’occupation, généralement égale au loyer majoré. Cette somme peut être recouvrée comme une créance locative classique.
VI. Droits du locataire face à l’expulsion
A. Droit à un délai pour quitter les lieux
Même si le juge prononce l’expulsion, il peut accorder au locataire jusqu’à 24 mois de délai pour quitter les lieux, en fonction de sa situation économique et de sa capacité à se reloger ou relocaliser son activité.
B. Moyens de défense
Le locataire dispose de plusieurs outils pour se défendre : contester la validité du commandement, demander des délais, proposer un plan de règlement des dettes, ou prouver que le manquement n’est pas suffisamment grave pour justifier une expulsion. Il peut aussi invoquer un abus de droit si l’expulsion est manifestement disproportionnée.
Conclusion
L’expulsion d’un locataire commercial, bien qu’encadrée, reste une procédure lourde aux conséquences importantes pour les deux parties. Elle exige un strict respect des formes juridiques, des délais et des droits de la défense. Si elle peut apparaître comme une solution de dernier recours, elle doit toujours être menée avec précaution et, idéalement, avec l’assistance d’un avocat ou d’un professionnel de l’immobilier.