Peut-on forcer la vente d’un immeuble appartenant à une SCI sans le consentement de l’associé unique ?
Le cas de la dissolution pour mésentente
L’article 1844-7, 5° du Code Civil dispose que le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs peut ordonner la dissolution anticipée d’une société, «notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société».
Le juge doit s’assurer de la réalité de la mésentente entre associés. Elle ne doit pas être ponctuelle. Elle se caractérise par un conflit persistant, systématique, important et qui entrave le fonctionnement de la société. La mésentente se doit d’avoir atteint un tel degré de gravité qu’il n’y a pas d’autres solutions que de mettre fin à la société.
L’importance de la mésentente révèle alors la disparition de l’affectio societatis. Dans le cadre d’une SCI entre époux en instance de divorce, la disparition de l’affectio societatis est caractérisée puisque les époux mettent fin à leur mariage. Il y a donc bien une volonté commune de rupture. La menace pèse alors sur la vie même de la société et, puisque la mésentente a franchi le point de non-retour, il ne sert à rien de faire perdurer la SCI.
Deuxième condition, il faut qu’il y ait une véritable paralysie de la société et c’est au juge d’apprécier cela. Il faut savoir que sur le terrain du droit commercial, les juges du fond sont extrêmement réticents à prononcer la dissolution pour mésentente, notamment lorsque la société est économiquement viable. Cependant, les tribunaux sont un peu plus souples dans le recours à la dissolution pour mésentente pour les sociétés de personnes et dans l’appréciation de la paralysie du fonctionnement de la société du fait de l’importance de l’intuitu personae dans ces sociétés. La dissolution peut être prononcée même quand la société est économiquement viable. Ainsi, une SCP a été dissoute en raison de la disparition de l’affectio societatis entre les deux associés manifestés par leur volonté mutuelle de se retirer et par l’échec des tentatives de conciliation (Civ. 1re, 14 déc. 2004).
Il doit exister une véritable paralysie du fonctionnement qui peut se manifester par : « l’absence de mouvements de fonds sur les comptes bancaires de la société, les assemblées d’associés qui ne sont plus tenues, la démission du gérant, une comptabilité officielle qui n’est plus tenue, l’absence de toute décision collective depuis un certain temps, l’inefficacité des assemblées générales (qui sont pourtant tenues) en raison de la répartition des pouvoirs (Civ. 3e, 16 mars 2011, n° 10-15.459) » (AJ Famille 2014 p.221).
La paralysie de la société s’apprécie alors à la fois économiquement (viabilité de l’entreprise) et juridiquement (possibilité de tenir des assemblées générales).
Enfin, dernière condition, il faut établir ensuite un lien de causalité entre les manifestations de la paralysie et la mésentente (Civ. 1re, 28 janv. 2010, n° 08-21.036).
Si toutes ces conditions sont réunies, la dissolution pourra être demandée au juge par l’associé qui n’est pas à l’origine de la mésentente à peine d’irrecevabilité. En effet, l’associé fautif est réputé être dépourvu d’intérêt légitime à agir en dissolution pour mésentente (Com., 16 juin 1992, n° 90-18.441).